Avenue du Colonel Henri-Rol-Tanguy
L’entrée des catacombes
L’entrée des Catacombes se situe sur l’avenue du Colonel Henri Rol-Tanguy, place Denfert-Rochereau ; elle occupe la cour du bureau d’octroi occidental de la barrière d’Enfer, qui accueille désormais l’Inspection générale des carrières. Baptisé « catacombes » en référence aux Catacombes de Rome, qui désignaient un vieux cimetière antique situé près de la voie Appienne, cet ossuaire municipal fut aménagé à la fin du XVIIIe siècle, dans les galeries souterraines d’anciennes carrières de pierre à bâtir.
Les ossements du cimetière des Innocents
C’est la suppression et l’évacuation du vieux cimetière des Innocents, près de l’église Saint-Eustache, devenu un foyer d’infection pour les habitants du quartier, qui entraîna sa création. D’après Héricart de Thury, « il y avait plus de deux siècles que la suppression de ce cimetière avait été jugée nécessaire ». Au XVIIIe siècle, les protestations se multiplièrent : « En 1725, 1734 et 1737, les habitants des quartiers voisins élevèrent de vives réclamations », mais les mesures qu’on consentit à prendre demeurèrent vaines. « En 1746 et 1755, les plaintes se renouvelèrent, et elles furent aussi infructueuses que les précédentes ». En 1780, les accidents causés par la proximité d’une fosse commune suscitèrent de grandes inquiétudes. Quelques années s’écoulèrent toutefois avant la parution d’un arrêt du Conseil d’État, daté du 9 novembre 1785, stipulant la fermeture du cimetière des Innocents (L.-E. Héricart de Thury, Description des catacombes de Paris, Paris, 1815, pp. 161-163).
Chargé de trouver et de préparer un lieu pour entreposer les ossements, l’inspecteur général des Carrières Charles-Axel Guillaumot proposa les anciennes carrières situées sous la plaine de Montsouris, qui furent immédiatement considérées comme le site idéal. La translation des ossements du cimetière des Innocents débuta après la bénédiction et la consécration du lieu, au printemps 1786, et se poursuivit jusqu’en 1788, toujours à la tombée de la nuit, selon un cérémonial constitué d’une procession de prêtres en surplis chantant l’office des morts tout au long du trajet.
Les ossements du cimetière de Saint-Eustache
Dès 1787, les cimetières encombrés de Saint-Eustache et Saint-Etienne-des-Grès reversèrent de premiers ossements. Pour les mêmes raisons d’hygiène publique, douze autres cimetières paroissiaux, autrement dit accolés aux églises, furent vidés et leurs ossements, reversés dans cette grande nécropole souterraine entre 1792 et 1814.
Par la suite, la création de nouveaux cimetières à l’extérieur de la ville, en remplacement de tous les cimetières intra muros, précipita sans doute les opérations, qui reprirent en 1840, et continuèrent jusqu’en 1860. Des travaux d’excavation ou le percement de nouvelles rues mettaient parfois à jour des fosses et des sépultures jusque-là ignorées, aussitôt versées dans les Catacombes. C’est ainsi que les ossements de plusieurs fosses de l’ancien cimetière des Innocents furent déposés dans les Catacombes jusqu’en 1811. De même, l’ancien cimetière de l’église Saint-Laurent fit l’objet de deux dépôts distincts : l’un, après sa fermeture en 1804, et l’autre, bien plus tard (les ossements furent alors « déposés en 1848 dans l’ossuaire de l’ouest et transférés en septembre 1859 »).
Stèle du 10 août 1792
Les Catacombes furent par ailleurs le lieu de sépulture des citoyens tombés lors des troubles civils qui frappèrent Paris à la veille de la Révolution et à la chute de l’Ancien régime. Des stèles gravées rappellent ainsi l’inhumation des victimes des combats de la place de Grève, de l’Hôtel de Brienne et de la rue Meslé, chez le commandant du Guet, les 28 et 29 août 1788 ; mais aussi les combats de la manufacture de papier peint de M. Réveillon, faubourg Saint-Antoine, le 28 avril 1789 ; celui des Tuileries, le 10 août 1792, et les massacres des 2 et 3 septembre 1792.
Nommé inspecteur général des carrières en 1809, Louis-Etienne Héricart de Thury poursuivit les travaux de consolidation des voûtes déjà engagés par son prédécesseur, Charles-Axel Guillaumot. Afin de consolider les galeries, des piliers furent élevés « partout où la nécessité en fut reconnue ». On prit soin de leur donner des « proportions simples et sévères » et d’en faire des « monuments particuliers » (Héricart de Thury, Paris, 1815, p. 219) : le pilier du Memento, le grand Sacellum des obélisques, la lampe sépulcrale, la crypte de la Passion… Ce décor quelque peu romantique devait satisfaire la curiosité manifestée pour l’ossuaire municipal et favoriser l’organisation de visites.
Dès le début du XIXe siècle, la direction des catacombes et le service général des Carrières durent répondre aux sollicitations. En 1787, le comte d’Artois, frère puîné du roi Louis XVI et futur Charles X, fut sans doute l’un des premiers visiteurs de l’ossuaire. En 1830, ces rares privilégiés circulaient presque librement dans les galeries des Catacombes. Des vols d’ossements et des dégradations furent constatés et la visite des Catacombes fut suspendue entre 1833 et 1874, à l’exception de cas très exceptionnels, comme lors des visites de l’Empereur Napoléon III, en 1860, ou du chancelier allemand Bismarck, sept ans plus tard.
La réouverture de l’ossuaire municipal rencontra un véritable engouement, avec les mêmes excès. Les visites « sauvages » n’étaient pas rares, jusqu’à l’organisation d’un concert clandestin, le 2 avril 1897 ! Cette soirée macabre se déroula secrètement dans la crypte de la Passion…
Le parcours
Situées à vingt mètres de profondeur, les galeries des Catacombes de Paris sont accessibles en empruntant un premier escalier à vis, qui aboutit à de petites salles de présentation historique. De là, deux tronçons, consolidés entre 1847 et 1848, s’élancent en formant un angle droit.
Des inscriptions gravées portent, selon l’usage établi par Guillaumot, une indication de date de consolidation. « 5 J 1848 » signale la cinquième intervention, menée par J[uncher], alors inspecteur général des carrières, en 1848.
Ces deux tronçons se raccordent à une longue galerie rectiligne, consolidée entre 1878 et 1879. Cette galerie file vers le sud, sous l’avenue René-Coty (ancienne avenue du Parc-de-Montsouris) et rejoint les galeries de consolidation de l’aqueduc d’Arcueil, qui alimentait en eau le jardin du Luxembourg.
En 1784, une portion complète de l’aqueduc s’était effondrée, forçant Guillaumot à détourner provisoirement son trajet, afin d’effectuer les travaux nécessaires. Guillaumot doubla ainsi l’aqueduc d’une galerie d’inspection située juste en dessous, bordée d’épais murs en pierre de taille, maçonnés en encorbellement. Des inscriptions gravées indiquent la position par rapport aux regards : ici, le « COURS DE L’AQUEDUC D’ARCUEIL ENTRE LES REGARDS 24 ET 25 ».
Une autre inscription indique « le chemin conduisant à l’escalier » de l’aqueduc d’Arcueil, à l’intersection d’une galerie plus sinueuse, filant vers l’est. Le parcours n’intègre plus la carrière basse du « Port-Mahon », du nom d’un ancien ouvrier-carrier, qui avait réalisé, entre 1777 et 1782, des sculptures évoquant ses souvenirs de Majorque.
Le chemin des Catacombes débouche plus loin sur un corridor, qui s’ouvre sur une entrée aménagée dans l’axe de l’ossuaire. Cette entrée est supportée par d’énormes piliers en maçonnerie, peints de motifs en noir et blanc, inspirés de l’Egypte antique. Derrière ces deux piliers, une porte, insérée dans un massif conforté en 1876, donne accès au vestibule. Sa porte est encadrée de pilastres, aujourd’hui ornés de grands losanges peints en blanc. Son linteau met en garde le visiteur, qui peut y lire l’avertissement célèbre : « Arrête ! c’est ici l’empire de la mort ». Le vestibule, qui vient ensuite, est en quelques sortes l’antichambre de l’ossuaire. Le linteau de l’étroite porte d’accès est signalé par l’inscription solennelle MEMORIAE MAJORUM (« A la mémoire des morts »).
Héricart de Thury entreprit de donner aux ossements pris dans différents cimetières, jusque-là distingués sans ordre particulier, un arrangement soigné. Il mit en valeur les ossements les plus remarquables, tels que têtes, et tibias, tandis que le reste était rejeté par derrière. Il fit placer des stèles en façade, afin d’indiquer la provenance des ossements et la date de leur transfert. Cette organisation méthodique fut suivie jusqu’aux derniers aménagements.
vue de la fontaine des Catacombes hautes, dite de la Samaritaine,
in L.-E. Héricart de Thury, Description des catacombes de Paris, Paris, 1815, planche 6
De véritables « salles » et, selon l’expression d’Héricart de Thury, plusieurs « monuments particuliers » rythment le parcours des Catacombes de Paris. Ici, une croix de pierre, plantée en avant de l’une des nombreuses façades constituées d’ossements qui longent les galeries de l’ossuaire. Un peu plus loin, la fontaine de la Samaritaine, puis la salle de la lampe sépulcrale et la crypte de la Passion (rebaptisée « rotonde des tibias » en raison de son aménagement circulaire (le « tonneau ») uniquement constitué d’ossements).
Cloche de fontis achevant le parcours des Catacombes
En ressortant de l’ossuaire, le parcours se poursuit par une galerie d’inspection rectiligne, située à l’aplomb de la rue Dareau. Cette galerie mène à une cloche de fontis (voûte élevée résultant d’un éboulement souterrain), puis à l’escalier de sortie, qui débouche sur la rue Rémy-Dumoncel.
L’escalier de sortie